Idées reçues et stéréotypes, obstacles à une véritable égalité de fait entre les femmes et les hommes

Le 29 avril 1945 avait lieu le premier vote des femmes en France. 70 ans après, 25 élues et femmes engagées se sont réunies ce samedi 25 avril au Jardin des Marettes à Amblie. Répondant à l’invitation d’Isabelle Attard, députée du Calvados et Anne Boissel, maire de Saon, elles ont débattu et partagé leurs expériences.

Au cours de sa conférence, Astrid Leray, du cabinet de conseil TREZEGO, a particulièrement fait réagir l’assemblée en racontant qu’au XVIe siècle les titres et noms de métiers étaient systématiquement féminisés. Autrice, administreresse etchirurgienne étaient tout naturellement utilisés. Notre histoire démonte ainsi l’idée reçue selon laquelle la féminisation des noms de titre est une invention moderne de quelques féministes énervées, argument souvent utilisé par ses opposants. D’autres rétorqueront que c’est un détail et qu’il y a des combats bien plus importants. Mais justement, ne serait-ce pas dans cette multitude de détails, qu’insidieusement l’inégalité perdure malgré toutes les avancées réalisées depuis 70 ans ?

Aujourd’hui, nous pouvons estimer que la législation française donne les mêmes droits aux femmes et aux hommes. Mais les chiffres et exemples présentés au cours de la matinée montrent que, dans les faits, le chemin restant à parcourir est long. Les habitudes, les idées reçues, les mentalités, la société doivent encore changer.

Les assemblées départementales sont désormais paritaires. Mais parmi les 98 conseils départementaux, seuls 8 sont présidés par une femme. Partager les places oui, mais partager le pouvoir est une autre histoire.

Dans les médias, 20 % des interviewés sont des femmes, la plupart du temps en tant que témoin, rarement pour leur expertise. Pourtant elle existe évidemment aussi chez les femmes, il suffit de chercher, par exemple dans Le guide des expertes (éditions Anne Carrière).

Seul 10% du sport diffusé à la télévision est féminin. Pourtant les équipes nationales féminines n’ont pas à rougir de la qualité de leurs performances au regard de celles de leurs homologues masculins.

1 femme sur 10 est victime de violences conjugales. 1 femme tous les 2,5 jours meurt sous les coups de son conjoint ou ex-conjoint. Pourtant cette réalité est souvent cantonnée aux faits divers.

Les réactions d’étonnement au cours de la conférence ont montré qu’il y a souvent un fossé entre la réalité sociologique et la société fantasmée. Certes, nous ne sommes ni en Afghanistan, ni en Inde. Mais en 2013, dans son rapport annuel sur les inégalités entre les sexes, le Forum économique mondial classait la France à la 67e place mondiale (sur 136) en matière d’égalité professionnelle et économique. Nous sommes loin de la situation idéale proclamée.

De nombreux témoignages ont fait part de la difficulté et de la fatigue de devoir au quotidien lutter contre le sexisme ordinaire et encaisser les réactions hostiles lorsqu’on ose s’élever contre pour affirmer que,  non celui-ci n’est pas normal, non celui-ci n’est pas acceptable. Cette réalité peut expliquer, à elle seule, que les femmes soient si rares à s’aventurer dans la sphère politique.

Alors que faire ? Un des leviers au changement réside au niveau des politiques locales. C’est en intégrant la question du genre dans toutes les politiques que le changement sera possible.  Pour chaque projet, chaque décision, il faut s’interroger sur son impact, ses enjeux en terme de mixité et ses conséquences sur l’égalité entre les femmes et les hommes.

Dans le domaine de la petite enfance par exemple : 90% des héros des livres destinés aux enfants de moins de 3 ans sont masculins. Qu’est ce que cela implique comme différence dans sa construction en tant qu’individu pour une fille et pour un garçon ? Dès leur plus jeune âge, on les met sur des chemins différents, par les jouets, les livres, les représentations qu’on leur propose pour s’identifier. C’est donc dès la petite enfance qu’il faut être vigilant et donner aux futurs hommes et femmes les mêmes chances et les mêmes opportunités. Une commune a donc un rôle certain à jouer.

Des outils existent à destination des collectivités locales. On peut citer la Charte européenne pour l’égalité des femmes et des hommes dans la vie locale créée par le Conseil des Communes et Régions d’Europe ou le guide méthodologique et le memento édités par le ministère des droits des femmes. Les élues et les élus doivent s’en saisir.

Les hommes sont aussi victimes de l’inégalité, en témoigne ces pères qui souhaiteraient prendre un congé parental mais ne le font pas à cause de la pression sociale. Il n’y a pas de coupables à désigner car les raisons de cette situation sont multifactorielles. Il est certain que l’égalité ne sera possible que si elle est co-construite par les femmes et les hommes.